TRUEBLOOD
Coming Out Vampirique
“Real Blood is for suckers”
[slogan inscrit sur les bouteilles de TruBlood]
Dans l’univers des vampires addicts, il est un fait aujourd’hui indéniable : le truculent Trueblood d’Alan Ball s’impose en la matière comme une série d’une originalité évidente et une référence incontournable. Le mythe de nos amis dentus se voit ici énergiquement et astucieusement renouvelé, apportant ainsi du sang nouveau pour le pur
bonheur de ses nombreux adeptes soucieux de ne pas voir s’essouffler leurs potes à crocs.
Avec Trueblood, on est effectivement loin de “Buffy contre les vampires”, série télévisuelle culte pour ados des 90′ certes divertissante, dans laquelle les humains mortels mènent un combat anti-vampirique incessant.
Dans TrueBlood, bien plus trash en raison notamment d’effets gores réalistes, et à Bon Temps, petite ville au demeurant paisible situé en Louisiane, les vampires peuvent, s’ils le souhaitent, s’intégrer à la population humaine sans que cette dernière ne lui serve automatiquement de garde-manger. Grâce à l’innovation ô combien novatrice du Trublood japonais, ce fameux sang synthétique se déclinant dans tous les groupes sanguins mortels, nos amis vampires prennent l’apéro au beau milieu des habitants de Bon Temps. Ce qui est d’autant plus instructif au cœur de cette micro société américaine où tous les bas instincts sont sociologiquement représentés, c’est qu’il existe encore un apartheid… des vampires cette fois-ci. Le coming-out de nos amis dentus n’est donc pas une affaire de tout repos car l’intolérance, voire la bêtise, fait autant rage chez les humains que chez les incorruptibles immortels qui se refusent encore à “non vivre” parmi ces mortels qui les rejettent. Bill, singulièrement le brave vampire de Sookie, la jeune serveuse télépathe du Merlotte’s, en fera les frais. Et ce n’est pas pour rien non plus qu’une ligue de protection des vampires a été créée dans Trueblood pour défendre leurs droits en politique.
Cette série géniale chahute bien entendu le puritanisme excessif d’une Amérique qui vacille, lors de l’arrivée à Bon Temps de créatures telles la charismatique Maryann, une Ménade fort jouisseuse, à la solde du Dieu Dionysos. La part obscure des habitants de la petite bourgade de Louisianne se verra ainsi exacerbée ; fait traité encore une fois avec un humour incisif on ne peut plus irrésistible. Ainsi, les vils secrets familiaux seront déterrés des esprits violés, tout comme les fantasmes les plus enfouis mis en lumière par la magie noire de Maryann, impitoyable démone qui se repaît allègrement de cette part d’ombre humaine exhumée. Mais peut-on l’en blâmer, finalement ? Sans aller jusqu’à la faire rembourser par la sécu (qui n’existe même pas aux USA comme chacun sait !), la démone rend peut-être service niveau révélateur de vérité instantanée. Enfin, ceci est surtout valable pour ceux qui ne sont pas envoûtés, car il faut dire que les pauvres victimes de ces charmes maléfiques se réveilleront surtout avec l’impression d’avoir vécu une bonne grosse cuite.
La déferlante à Bon Temps du pouvoir de Maryann entraîne ainsi dans la liesse hypnotique presque générale des rituels orgiaques, de la magie vaudou et autres “joyeusetés” telles que le meurtre, la mutilation, la goinfrerie et j’en passe et des meilleures. Malgré la situation plutôt dramatique, le spectateur (sadique un poil, sans doute ? Osez dire le contraire, cher lecteur !) s’en donne à cœur joie car le tout est mené tambour battant avec un humour décidément plus que désopilant. Les dialogues et les réparties sont frappants et les personnages, même ceux dits secondaires, très attrayants. Et puis, bien sûr, l’aura manichéenne ne manque pas d’agir puisque, outre les diverses créatures mythologiques évoluant dans Trueblood, deux communautés vampiriques s’affrontent éternellement. Il y a ceux qui, à l’instar de Bill, veulent s’intégrer aux humains, et les tueurs instinctifs qui considèrent les mortels comme des casse-croûte. On pourrait presque imaginer une Vampire-Pride pour les premiers tandis que les seconds se regrouperaient en ghettos guerriers, méprisant par là même ceux qui s’adaptent, voire, qui osent aimer les mortels.
Il est aussi cependant très intéressant de noter l’ode multiraciale imprégnant la série qui démontre encore une fois que la discrimination existe toujours, quelles que soient les créatures présentes sur cette bonne vieille planète Terre.
Le microcosme de Bon Temps révèle aussi un dealer d’un nouveau genre sous le joug même d’une figure importante de la clique vampirique, le chérif Eric. Le dealer mortel du “V”, le jus de vampire, est incarné brillamment par un gay noir des plus irrésistibles et touchants, Lafayette, cuisinier du Merlotte’s. Chapeau bas également pour l’idée du donneur vampire volontaire attitré qui se fait pomper le “V” en échange d’un peu de compagnie.
Les vampires seraient-ils donc des humains comme les autres ? A Bon Temps, on peut s’en approcher en tout cas.
Au sein de TrueBlood, on note évidemment que l’Amérique profonde en prend pour son grade, écorchée par le réalisateur.
Il y a aussi un personnage vampire très troublant parmi le clan évoluant dans la série, il s’agit de Godric. Respecté et très puissant dans sa communauté, il fait pratiquement figure d’une sorte de Dalaï Lama vampire vénéré comme le messie, encore bien plus vieux que Jésus-Christ himself, c’est dire !
TrueBlood, c’est aussi bien entendu une ardente histoire d’amour entre la jolie Sookie et le ténébreux Bill qui, à l’instar d’une Buffy et d’un Angel, se battront pour gérer au mieux leurs “différences” face à un monde hostile et toujours discriminant.
En plus de l’idée de génie relative à l’invention du sang synthétique Trublood qui a multiplié ainsi dans le pays les bars, pubs et autres hôtels dédiés au confort de la clientèle vampirique, j’ai adoré, entre autres, le joli coup du cercueil “Samsonite” de voyage à l’effigie de la compagnie vampire “Anubis Air”. Notons aussi le palace éclairé à la lumière artificielle dont sont privés nos amis vampires, un bijou créé tout spécialement pour la pétillante et joueuse, mais non moins puissante, reine pin-up des vampires, Sophie-Anne, interprétée par Evan Rachel Wood, la nouvelle muse de Marilyn Manson, pour le clin d’œil potin.
Parmi les personnages principaux, j’ai eu une tendresse particulière pour Sam Merlotte’s, joué par le séduisant Sam Trammell. Ce métamorphe canin muté dans le secret de sa vraie nature et amoureux fou ultra protecteur de Sookie est véritablement attachant. La jolie blonde télépathe peut sembler mièvre au départ mais on découvre son fort tempérament au gré des saisons. La délicieuse et torturée Tara, son amie d’enfance black, retient inévitablement l’attention également, se battant pour son amour, face à une mère pieuse à l’excès qui n’a pas non plus été super gâtée par la vie. Son sémillant cousin, Lafayette, apporte l’excentricité fraîche de la culture gay au milieu des nombreux bourrins de Bon Temps dont on ne peut manquer les pitreries si ce n’est, la stupidité. Jason Stackhouse, frère de Sookie a lui aussi son utilité dans ce casting Truebloodien, malgré l’aspect premier d’un jeune loup narcissique au demeurant pas des plus futés, noceur à outrance, mais néanmoins empli d’une grande sensibilité et doté de l’étoffe d’un héros insoupçonnable à première vue. Andy Bellefleur, le flic alcoolique suiveur, bien amoché niveau destin lui aussi, somme toute gentil et secourable, s’avère au final plus ouvert d’esprit que bien des habitants de Bon Temps. Eric Northman, le vampire jaloux de Bill et tenancier du magnifique repaire d’immortels le “Fangtasia” est impayable dans son genre. Il est le “Spike” ( vu dans Buffy contre les vampires) d’une Sookie qui aura de plus en plus de mal à résister à son magnétisme intrusif. Bill, l’amoureux vampire de notre héroïne télépathe peut lui aussi paraître mièvre à beaucoup et “vieille Amérique” tant il semble être figé à l’époque de sa création. Cependant, il parvient à nous toucher ce vampire très galant, en dépit de son brushing suranné d’un Ken de Barbie. Entre lui et Sookie, sa douce, qui se révèlera le plus fort ? On est en droit de se le demander tant ils sont, l’un et l’autre, amenés à être vulnérables face à leurs destins pas si divergents que ça.
J’ai aussi retenu la vampire ado rigolote créée par Bill, malgré lui, Jessica. Quel sacré numéro, insupportable mais très attachante elle aussi ! On découvre ici la vie en famille recomposée vampire/humain, traitée avec humour et elle n’a rien à envier à celles des mortels finalement !
Alors au fond, Trueblood est-il un plaidoyer pour la diversité, un hymne à toutes les créatures d’ici et d’ailleurs ? On s’aperçoit, en tout cas, qu’il y a toujours un satané boulot à accomplir pour vivre en paix et en bonne intelligence, qu’on soit humain, vampire, métamorphe, loup-garou, ménade… Il en sera sans doute ainsi tant qu’il y aura des créatures sur Terre qui se feront la guerre pour… quoi, au fait ?
By Sekhiris