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Les vampires de l’Alfama

alfamaIl est des histoires de vampires uniques et délicieuses. De celles qu’on lit et qu’on aimerait lire encore et encore, une fois l’ouvrage terminé. Ainsi, après ma première lecture d’Entretien avec un vampire, je voulais lire la suite (sans savoir qu’Anne Rice allait transformer ce superbe roman en saga-fleuve-cow-à-money).
A noter : d’autres livres, eux, ne donnent pas envie de lire la suite (Saberhagen aurait du arrêter après son Dracula, et surtout ne pas le faire rencontrer Sherlock Holmes…).

Le roman de Pierre Kast est de la première catégorie. Dés le début, on accroche aux personnages, on les sens, on les imagine sans avoir besoin des éclaircissements si chers à certains romanciers américains. On a envie de les voir vivre à travers les mots et que ça dure longtemps. Quelle tristesse quand on refermera la dernière page de ce livre.

Pierre Kast est un visionnaire. Son style est de la même veine (arf arf, je ne m’en lasse pas) que celui de [Poppy Z. Brite->59], mais 20 ans avant. Incisif, brutal, sans concession. On a l’impression de voir un film. Souvent, les mots remplacent même les phrases pour accentuer l’immersion du lecteur, et ça marche.

Mais ce livre est un livre résolument moderne, à ne pas mettre entre toutes les mains. De cette modernité que nous avons perdu à force de compromis et d’aplatissement des difficultés (on ne dit pas “vieux”, on dit “troisième âge”, on ne dit pas “jeune con”, on dit “adolescent à problème”, on ne dit pas “crétin inculte”, mais “Skyblogger”, etc.).

Car ce livre ne fais pas dans la demi-mesure et ne s’adresse pas à tous les publics.

Des héros aujourd’hui disparus

Ici, les héros seront sont ceux qui défendent le savoir, l’intelligence, la lucidité et par extension, les plaisirs du corps (tous les plaisirs, chouette). Ici ces héros seront des vampires, des voleurs, des alchimistes, des laissés pour comptes de la société, poursuivant la chimère de l’égalité, de la fraternité et de la liberté (ça me rappelle quelque chose, mais quoi ?).

Leurs adversaires seront ceux qui défendent la religion, l’argent, la consommation et l’abêtissement de la population. Les papes, les princes, les riches, les puissants. Et au final, ce seront eux les gagnants. Mais que gagneront-ils au juste ? La mort, la douleur, mais par dessus tout, la solitude…

Ici, le sexe n’a aucun tabou

On est loin de Lestat et de ses vagues pensées sexuelles. Non, ici, ça fourre à tous les étages, dans un langage aussi imagé que du Gainsbourg, mais sans être cru ni vulgaire. Des textes savoureux laissé à la compréhension de chacun (ce qui va pas nous laisser beaucoup de monde dans notre époque de récession charnelle et de pudibonderie érotique).

Ici la culture est de rigueur

Car nous sommes au milieu du XVIIe siècle, en plein affrontement entre l’obscurantisme nécessaire à la gouvernance d’un pays (selon les rois, et chefs d’état qui ont suivi) et les lumières de l’intelligence qui éclairent tout et changent l’ordre des choses (merci les encyclopédistes, ils ne seraient jamais passé sur TF1, eux).

Dans la plus digne tradition d’Umberto Ecco, Pierre Kast multiplie les références dans tous les domaines, histoire, philosophie, architecture, musique. Simplement, sans forfanterie, il évite de tomber dans l’encyclopédisme, comme le font souvent les nouveaux auteurs (qui ouvrent un dictionnaire et recopient tous les termes techniques de la page pour en mettre plein la vue à leurs lecteurs béats). Non, ne riez pas, les auteurs actuels appellent ça de la “documentation”.

Alors si, tel un Humaniste vampirique, vous aimez le sexe, la sémiologie, les vampires, la culture, la science, l’alchimie, l’histoire, le Portugal, Lisbonne et encore le sexe, alors courrez lire ce chef d’oeuvre.

Je regrette juste de ne pas avoir eu le temps de rencontrer Pierre Kast. Je l’aurais harcelé pour avoir un autre tome d’histoires de vampire comme il savait si bien les raconter.

RESUME

Le Comte Kotor, un vampire humaniste, recherchant le bonheur, la liberté et un nouveau stade de conscience chez l’être humain, est chassé hors de Prague par une vague de chasse aux sorcières. Il trouve refuge chez une voyante-guérisseuse, Clara, au fin fond de l’Alfama, le quartier le plus secret situé en plein coeur de Lisbonne.

Là, il se retrouve mêlé aux intrigues politiques et lubriques du premier Ministre Joao et du sombre marquis chef de la police. Il subit l’extension grandissante du nombre de vampires et suit avec paternalisme les envies sexuelles et/ou amoureuses de ses proches.

Sang, sexe, douleur et sciences nous plongent dans le Lisbonne de ce siècle des transformations.

Mais qu’est ce qu’il est bien ce livre…

Biographie

Pierre Kast est né le 22 September 1920 à Paris pour mourir (hélas) le 20 October 1984.
C’est un réalisateur confirmé de beaucoup de chefs d’oeuvre du cinéma. Amis de Boris Vian et de Raymond Queneau, il fonda avec eux et Michel Pilotin, le Club des Savanturiers, le 26 décembre au bar de La Reliure, rue du Pré-aux-Clercs.
D’une culture universelle, il a réalisé plusieurs documentaires, sur l’architecture (Le Corbusier et Claude-Nicolas Ledoux) et sur le Portugual.

Ses Films

  • AMOUR DE POCHE (1957)
  • LE BEL AGE (1960)
  • VACANCES PORTUGAISES (1963)
  • LES SOLEILS DE L’ILE DE PAQUES (1971)
  • LE SOLEIL EN FACE (1978)