Car l’immortalité a un prix : une mémoire presque infaillible.
Un mortel ne pourrais prétendre à une telle mémoire, il deviendrait vite fou. Mais nous autres, vampires, nous devons vivre avec nos souvenirs.
En effet, ce qui caractérise le vampire, peut-être plus que le fait de boire du sang, c est sa mémoire parfaite. Sa capacité de revivre presque physiquement des évènements anciens.
“Mais c’est facile” me dis-tu, petit lecteur. Toi, tu te rappelles très bien il y a 15 ans du mariage de ta soeur où l’oncle Fernand a joué à la carotte avec Mme Pinson. “Qu’est ce qu’on s’était marré ce jour là ! La poilade totale !“.
Mais te rappelles tu quelles pensées te traversaient le crane ce soir là ?
Te rappelles tu de ceux qui ne sont plus là aujourd’hui, de leurs odeurs, de leurs sourires et des arabesques de leurs mains, ou les as-tu gommés de tes souvenirs comme des résidus fanés d’une époque révolue ? Tu étais peut-être trop jeune pour avoir déjà croqué la pomme, mais te rappelles tu du sexe, du goût unique qu’il avait à cette époque ? Ce goût de la nouveauté, de l’unicité, le goût de l’amour.
Te rappelles tu qu’internet n’existait pas mais qu’il y avait les livres, les bd, la musique, le cinéma qui étaient les véhicules parfaits pour te faire rêver.
Le vampire a cette capacité de se souvenir parfaitement de ce qui est lointain et intouchable.
C’est un don. Mais c’est aussi une malédiction.
En réécoutant cet album de The Cure je m’en aperçois à nouveau et les souvenirs me reviennent et se heurtent aux actualités quotidiennes :
Il y a 15 ans le mur de Berlin s’écroulait et sa fin annonçait celle de la guerre froide. Aujourd’hui la guerre chaude commence, la guerre du pétrole et de l’intégrisme, la guerre sainte du pognon (pour en savoir plus va voir Richie Bush).
Il y a 15 ans, l’Ayatollah Khomeini condamnait Salman Rushdie (l’auteur des “Versets Sataniques“) à mort. 15 ans après Rushdi n’est pas mort, mais il a bien réussi à doper ses ventes (tout piti le kiki de Khomeini).
Il y a 15 ans déjà, (eh oui) un millier d’étudiants chinois sont tués sur la place Tiananmen lors d’une manifestation pour la démocratie. 15 ans après, le gouvernement chinois est invité en grande pompe à l’Elysée car la Chine est une démocratie, c’est bien connu (enfin, ils sont mieux cachés, pour en savoir plus ceci ou encore cela).
Il y a 15 ans le Dalaï Lama ‘Tenzin Gyatso’ reçoit le prix Nobel de la paix pour son action en faveur de la libération du Tibet. 15 ans après le Tibet est toujours une terre conquise où les chinois règnent en maîtres despotiques (mais l’opinion publique attendra bien encore 10 ans, histoire qu’il n’y ai plus de vrais tibétains au Tibet grâce aux ‘rape camps’ toujours actifs. N’hésitez pas à aller voir les dessins pour le Tibet).
Il y a 15 ans, George Bush prête serment et devient le 41e président des États-Unis. Corollaire : les E.U. envahissent Panama. 15 ans après… pas la peine de vous faire un dessin.
Il y a 15 ans, la fin du régime de Nicolae Ceausescu en [Roumanie->5] nous fera découvrir un charnier contenant les restes de 4 630 personnes victimes d’un massacre. [Vlad Tepes->6] (mon voisin de cercueil) s’en retourne encore dans sa tombe.
1989 est aussi l’année de la mort de Samuel Beckett et Salvador Dali. On peut regretter le premier pour sa musique excellente et le deuxième parce qu’il nous posaient de sans cesse de nouvelles questions.
Chez les vampires, on pleure le décès de Sir Laurence Olivier, l’acteur britannique (jouant Van Helsing dans le Dracula de John Badham – 1979). Et on dansera au bal du mariage de Roman Polanski et d’Emmanuelle Seigner (même si l’on regrettera ad vitam æternam la sublime Sharon Tate).
On ira voir Vampire’s kiss avec Nicolas Cage, un excellent film qui est passé totalement inaperçu (pas assez de sang) et on retrouvera cette tête de con de Charley dans Fright Night 2.
Et Robert Smith continuera longtemps de nous combler les oreilles avec Lullaby. Enfin de la musique de vampires, douce, prenante, sombre et romantique, nous permettant de rêver dans un monde qui se transforme, sachant très bien que demain déjà nous ne seront plus que quelques uns à nous rappeler de notre passé.
Y’a t’il aujourd’hui des ritournelles aussi profondes qui nous feront encore rêver dans 15 ans ?