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Introduction à la littérature vampirique

Joe

Si il y a une chose que j’adore c’est m’évader la nuit pour visiter Paris. Et si il y a un truc que j’adore encore plus, c’est grimper sur les toits de Paris. Alors grimper sur les toits de Paris la nuit, c’est vraiment mon sport préféré. Olivier Boiscommun doit adorer ça aussi, car Joe passe son temps à regarder la nuit sur son toit.

Cela nous donne lieu à de superbes et poétiques clichés d’un Paris embrumé et dissimulé sous un voile d’aquarelle.

Cette BD est belle, douce, lente. On peut certes dire qu’on repère ça et là de petites erreurs de dessin (Boiscommun était encore débutant), mais elles sont tellement minimes face à la douceur du traits et du scénario que ça en fait une BD plus que recommandable.

A noter que Joe revient dans l’excellent (et plus pro) album Halloween du même auteur. Cette fois il est déguisé en vampire. Déguisé uniquement, hein ?

Lenore

Lénore au point du jour se lève,
L’oeil en pleur, le coeur oppressé ;
Elle a vu passer dans un rêve,
Pâle et mourant, son fiancé !
Wilhelm était parti naguère
Pour Prague, où le roi Frédéric
Soutenait une rude guerre,
Si l’on en croit le bruit public.

Enfin, ce prince et la tsarine,
Las de batailler sans succès,
Ont calmé leur humeur chagrine
Et depuis peu conclu la paix ;
Et cling ! et clang ! les deux armées,
Au bruit des instruments guerriers,
Mais joyeuses et désarmées,
Rentrent gaîment dans leurs foyers.

Ah ! partout, partout quelle joie !
Jeunes et vieux, filles, garçons,
La foule court et se déploie
Sur les chemins et sur les ponts.
Quel moment d’espoir pour l’amante,
Et pour l’épouse quel beau jour !
Seule, hélas ! Lénore tremblante
Attend le baiser du retour.

Elle s’informe, crie, appelle,
Parcourt en vain les rangs pressés.
De son amant point de nouvelle…
Et tous les soldats sont passés !
Mais sur la route solitaire,
Lénore en proie au désespoir
Tombe échevelée… et sa mère
L’y retrouva quand vint le soir.

– Ah ! le Seigneur nous fasse grâce !
Qu’as-tu ? qu’as-tu, ma pauvre enfant ?…
Elle la relève, l’embrasse,
Contre son coeur la réchauffant ;
Que le monde et que tout périsse,
Ma mère ! Il est mort ! il est mort !
Il n’est plus au ciel de justice
Mais je veux partager son sort.

– Mon Dieu ! mon Dieu ! quelle démence !
Enfant, rétracte un tel souhait ;
Du ciel implore la clémence,
Le bon Dieu fait bien ce qu’il fait.
– Vain espoir ! ma mère ! ma mère !
Dieu n’entend rien, le ciel est loin…
À quoi servira ma prière,
Si Wilhelm n’en a plus besoin ?

– Qui connaît le père, d’avance
Sait qu’il aidera son enfant :
Va, Dieu guérira ta souffrance
Avec le très-saint sacrement !
– Ma mère ! pour calmer ma peine,
Nul remède n’est assez fort,
Nul sacrement, j’en suis certaine,
Ne peut rendre à la vie un mort !

– Ces mots à ma fille chérie
Par la douleur sont arrachés…
Mon Dieu, ne va pas, je t’en prie,
Les lui compter pour des péchés !
Enfant, ta peine est passagère,
Mais songe au bonheur éternel ;
Tu perds un fiancé sur terre,
Il te reste un époux au ciel.

– Qu’est-ce que le bonheur céleste
Ma mère ? qu’est-ce que l’enfer ?
Avec lui le bonheur céleste,
Et sans lui, sans Wilhelm, l’enfer ;
Que ton éclat s’évanouisse,
Flambeau de la vie, éteins-toi !
Le jour me serait un supplice,
Puisqu’il n’est plus d’espoir pour moi !

Ainsi, dans son coeur, dans son âme,
Se ruait un chagrin mortel :
Longtemps encore elle se pâme,
Se tord les mains, maudit le ciel,
Jusqu’à l’heure où de sombres voiles
Le soleil obscurcit ses feux,
À l’heure où les blanches étoiles
Glissent en paix sur l’arc des cieux.

Tout à coup, trap ! trap ! trap ! Lénore
Reconnaît le pas d’un coursier,
Bientôt une armure sonore
En grinçant monte l’escalier…
Et puis, écoutez ! la sonnette,
Klinglingling ! tinte doucement…
Par la porte de la chambrette
Ces mots pénètrent sourdement :

– Holà ! holà ! c’est moi, Lénore !
Veilles-tu, petite, ou dors-tu ?
Me gardes-tu ton coeur encore,
Es-tu joyeuse ou pleures-tu ?
– Ah ! Wilhelm, Wilhelm, à cette heure !
Ton retard m’a fait bien du mal,
Je t’attends, je veille, et je pleure…
Mais d’où viens-tu sur ton cheval ?

– Je viens du fond de la Bohême,
Je ne suis parti qu’à minuit,
Et je veux si Lénore m’aime
Qu’elle m’y suive cette nuit.
– Entre ici d’abord, ma chère âme,
J’entends le vent siffler dehors,
Dans mes bras, sur mon sein de flamme,
Viens que je réchauffe ton corps.

– Laisse le vent siffler, ma chère,
Qu’importe à moi le mauvais temps,
Mon cheval noir gratte la terre,
Je ne puis rester plus longtemps :
Allons ! chausse tes pieds agiles,
Saute en croupe sur mon cheval,
Nous avons à faire cent milles
Pour gagner le lit nuptial.

– Quoi ! cent milles à faire encore
Avant la fin de cette nuit ?
Wilhelm, la cloche vibre encore
Du douzième coup de minuit…
– Vois la lune briller, petite,
La lune éclairera nos pas ;
Nous et les morts, nous allons vite,
Et bientôt nous serons là-bas.

Mais où sont et comment sont faites
Ta demeure et ta couche ? – Loin :
Le lit est fait de deux planchettes
Et de six planches…. dans un coin
Étroit, silencieux, humide.
– Y tiendrons-nous bien ? – Oui, tous deux ;
Mais viens, que le cheval rapide
Nous emporte au festin joyeux !

Lénore se chausse et prend place
Sur la croupe du noir coursier,
De ses mains de lis elle embrasse
Le corps svelte du cavalier…
Hop ! hop ! hop ! ainsi dans la plaine
Toujours le galop redoublait ;
Les amants respiraient à peine,
Et sous eux le chemin brûlait.

Comme ils voyaient, devant, derrière,
À droite, à gauche, s’envoler
Steppes, forêts, champs de bruyère,
Et les cailloux étinceler !
– Hourrah ! hourrah ! la lune est claire,
Les morts vont vite par le frais,
En as-tu peur, des morts, ma chère ?
– Non !… Mais laisse les morts en paix !

– Pourquoi ce bruit, ces chants, ces plaintes,
Ces prêtres ?… – C’est le chant des morts,
Le convoi, les prières saintes ;
Et nous portons en terre un corps. –
Tout se rapproche : enfin la bière
Se montre à l’éclat des flambeaux…
Et les prêtres chantaient derrière
Avec une voix de corbeaux.

– Votre tâche n’est pas pressée,
Vous finirez demain matin ;
Moi j’emmène ma fiancée,
Et je vous invite au festin :
Viens, chantre, que du mariage
L’hymne joyeux nous soit chanté ;
Prêtre, il faut au bout du voyage
Nous unir pour l’éternité ! –

Ils obéissent en silence
Au mystérieux cavalier :
– Hourrah ! – Tout le convoi s’élance,
Sur les pas ardents du coursier…
Hop ! hop ! hop ! ainsi dans la plaine
Toujours le galop redoublait ;
Les amants respiraient à peine,
Et sous eux le chemin brûlait.

Ô comme champs, forêts, herbages,
Devant et derrière filaient !
Ô comme villes et villages
À droite, à gauche, s’envolaient ! –
Hourrah ! hourrah ! les morts vont vite,
La lune brille sur leurs pas…
En as-tu peur, des morts, petite ?
– Ah ! Wilhelm, ne m’en parle pas !

Tiens, tiens ! aperçois-tu la roue ?
Comme on y court de tous côtés !
Sur l’échafaud on danse, on joue,
Vois-tu ces spectres argentés ? –
Ici, compagnons, je vous prie,
Suivez les pas de mon cheval ;
Bientôt, bientôt je me marie,
Et vous danserez à mon bal.

– Houch ! houch ! houch ! les spectres en foule
À ces mots se sont rapprochés
Avec le bruit du vent qui roule
Dans les feuillages desséchés :
Hop ! hop ! hop ! ainsi dans la plaine
Toujours le galop redoublait ;
Les amants respiraient à peine,
Et sous eux le chemin brûlait.

– Mon cheval ! Mon noir !… Le coq chante,
Mon noir ! Nous arrivons enfin,
Et déjà ma poitrine ardente
Hume le vent frais du matin…
Au but ! au but ! Mon coeur palpite,
Le lit nuptial est ici ;
Au but ! au but ! Les morts vont vite,
Les morts vont vite. Nous voici ! –

Une grille en fer les arrête :
Le cavalier frappe trois coups
Avec sa légère baguette. –
Les serrures et les verrous
Craquent… Les deux battants gémissent,
Se retirent. – Ils sont entrés ;
Des tombeaux autour d’eux surgissent
Par la lune blanche éclairés.

Le cavalier près d’une tombe
S’arrête en ce lieu désolé : –
Pièce à pièce son manteau tombe
Comme de l’amadou brûlé…
Hou ! hou !… Voici sa chair encore
Qui s’envole, avec ses cheveux,
Et de tout ce qu’aimait Lénore
Ne laisse qu’un squelette affreux.

Le cheval disparaît en cendre
Avec de longs hennissements….
Du ciel en feu semblent descendre
Des hurlements ! des hurlements !
Lénore entend des cris de plainte
Percer la terre sous ses pas….
Et son coeur, glacé par la crainte,
Flotte de la vie au trépas.

C’est le bal des morts qui commence,
La lune brille… les voici !
Ils se forment en ronde immense,
Puis ils dansent, chantant ceci :
– Dans sa douleur la plus profonde,
Malheur à qui blasphémera !… –
Ce corps vient de mourir au monde…
Dieu sait où l’âme s’en ira !

Soie Sauvage

Tatouage, araignée, sexe, sang, mort, chair, peau, souffrance, matières, telles sont les principales thématiques de ce roman qui évite les lieux communs pour nous proposer une histoire originale et très intense. Avec en cadeau, deux excellentes nouvelles accompagnant le roman : Penthouse et Oeuvre de chair. Ce roman a également obtenu le prix de l’Armée des 12 singes (prix du jury, catégorie “premier roman”).

Tourmentes physiques et arachnides

Je ne suis pas du tout fan des romans introspectifs pour jeunes adolescentes. Aussi, je me suis bien méfié en lisant la 4ème de couv, en gros “une jeune fille qui se fait faire un tatoo et qui découvre la vie”.
C’est donc avec énormément de circonspection que j’ai attaqué ce roman. Je ne l’ai pas lâché jusqu’à la fin. Ou si, de temps à autres, je sortais la tête du livre pour respirer un grand coup, tant l’atmosphère est oppressante.

Ecriture synesthésique

Fabienne Leloup aime la peau (elle le confirme dans son interview). Elle aime ses sensations ultimes, plaisir ou douleur. Son écriture se base sur ces interrogations charnelles. Mais elle aime aussi les odeurs, les sons, les goûts et les scènes chocs. Aussi sa lecture s’apparentera à une plongée dans son univers, un univers bourré de stimuli sensoriels.
Ce style extéroceptif (avez que ça fait classe un mot comme ça) nous rappelle fortement celui de Poppy Z Brite, cru et intensément vrai.
Ici, nous ne sommes pas dans de la métaphore, nous sommes dans de la description réaliste.
Et ça marche. On se laisse entraîner doucement par ce style immersif jusqu’à ressentir (pour les plus empathiques d’entre nous) les souffrances et plaisirs de Barbara.

Tatouage vampire et passage à l’âge adulte

Le roman “soie sauvage” est un roman sur le passage de l’adolescence à l’âge adulte, le passage du monde des rêves à celui des réalités.
Barbara, prisonnière de rapports conflictuels avec sa mère, envieuse de la simplicité superficialité de sa soeur, perdue dans le monde réels, et effrayé par ses envies envers les hommes, va devenir une femme en se faisant tatouer une araignée dans le dos.

Ce qui pourrait être une publicité pour un mauvais tatoueur “faites vous tatouer et devenez une femme”, va devenir une malédiction.
Pourquoi devenir une femme si c’est pour renier ce que vous êtes ?
Oui, Barbara va devenir belle et va connaître quelques plaisirs suprêmes. Pourtant elle deviendra quelqu’un d’autre dans ce processus.

A quoi sert de devenir un adulte si c’est pour être quelqu’un d’autre. Si c’est pour se perdre en route et tout donner à la femme araignée ?
Voilà l’une des nombreuses questions que l’on va se poser lors de la lecture de ce roman

Les autres nouvelles sont elles aussi d’excellentes qualités et tournent autour des thématiques de la souffrance, de la mort et de l’amour, nous rappelant les thématiques du Livre de Sang de Clive Barker (sexe, mort, souffrance et plaisir).

Conclusion

Que se soit par sa forme ou par son fond, ce livre est assez exceptionnel et révèle une jeune auteur pleine de promesses.
Néanmoins, il ne s’agit pas d’un livre de fantasy pour enfants. Entre la lecture à plusieurs niveaux et le style empathique de ce livre, je le déconseille aux jeunes enfants. Surtout aux jeunes filles en fleurs. Les personnages masculins sont en effet assez mal peints dans ce roman. Soit faibles et dominés, soit Violeurs violents couverts de sueurs. Ces hommes ont une image négative de proies ou de prédateurs concurrents de l’araignée.
Ce serait dommage que les jeunes filles imaginent que les hommes sont tous comme ça. Non, y’en a des sympas (regardez, moi par exemple…;).
De plus, certaines descriptions de pratiques charnelles (pas uniquement sexuelles) risquent d’être assez traumatisantes pour ceux qui ne sont pas habitués.

Je déconseille donc ce livre aux plus jeunes, tout en le recommandant chaudement aux plus vieux, surtout ceux qui aiment Clive Barker et Z Brite, ils ne seront pas dépaysés.

Résumés

soie_sauvageSoie sauvage
Barbara, jeune fille effacée, renfermée sur elle même dans un climat familial étouffant est fascinée par les araignées, les trouvant à la fois répugnantes et admirables.
Un jour de grande chaleur, Barbara tombe amoureuse du tatouage (ou de l’homme qui le porte). Elle décide pour devenir enfin adulte de se faire tatouer une femme araignée sur le dos, qu’elle baptise “Arachné” en référence à la déesse grecque.

Seulement, sous le mélange des désirs refoulés de la jeune fille, de l’intensité de la haine inexprimée qu’elle ressent envers sa mère et sa soeur, ainsi que la magie ancestrale du tatouage, l’araignée devient vivante et indépendante.

Elle va pousser Barbara à devenir une femme-araignée, sans pitié, sans remords, belle, troublante, érotique et mortelle…

Penthouse
Abel est un des gardiens de la morgue. Comme les autres gardiens, il loue les morts à des nécrophiles qui veulent se faire plaisir. Seulement Abel n’est pas comme les autres, et cette fois, le mort non plus.

Œuvre de chair (avec Alain Dorémieux)
Moïra est une artiste. Pas une artiste qui a acheté son diplôme aux beaux arts, non, une vraie artiste qui se sacrifie pour aller au bout de sa démarche. Et là, elle présente l’apothéose de sa carrière. Une oeuvre de chair et de sang.

Entretien avec Sire Cédric

Sire Cédric ressemble à un vampire, on ne peut le nier. Grand, beau, et pourvu de canines proéminentes, on peut l’apercevoir la nuit, glissant comme une ombre de rencontres aléatoires en surprises programmées.

Car Sire Cédric est comme ses livres. D’une douceur contemplative qui révèle une âme sombre et morbide. On le prendrait pour un ange si son regard ne trahissait ses démons intérieurs.

Afin de découvrir l’homme derrière l’auteur, voilà une petite série de questions (idiotes pour la plupart, c’est Cyroul qui les a écrites, ne l’oubliez pas) destinées à mieux cerner le personnage.

Alors vous voudrez bien excuser la lumière inexistante, le son pourri, les questions mal posées et les transitions nazes. Mais n’oubliez pas qu’on boit bien (et beaucoup) d’absinthe à la Cantada. Et l’absinthe, ça n’aide pas à faire de bons films (je cherche d’ailleurs toujours un mécène richissime pour m’acheter une caméra, un caméraman et un preneur de son)…

Les Chants de Maldoror

Isidore Ducasse, autoproclamé Comte de Lautréamont, est un poète maudit. Son œuvre majeure, Les Chants de Maldoror est passée inaperçue car trop anarchiste, trop immorale, trop antéchristique pour l’époque. Ce sera finalement André Breton et les surréalistes qui exalteront cette œuvre incomprise.

L’autre écrit de Lautréamont, ses Poésies, est une pathétique tentative de reconversion : face au scandale de ses Chants, qui a été étouffé en même temps que l’œuvre, Lautréamont se lance soudain dans la défense du Bien, de Dieu, et des valeurs les plus austères, allant même jusqu’à rejeter le romantisme.

Où est passé le poète décadent ? Fort heureusement, Monsieur Ducasse verra la mort l’année suivante.

Style

Parlons d’abord de la forme. Les Chants sont 6 parties composées de “strophes” écrites en prose.

En fait de poésie, Lautréamont mélange à la fois langage poétique et réflexions métaphysiques.

Du point de vue poétique, disons plutôt stylistique, quel génie ! Un style riche en images, plein de dérision (il s’amuse même parfois à se moquer de son propre style pompeux).

Du point de vue philosophique, les idées de Lautréamont, disons le tout de suite, sont dangereuses.

A quel degré y a-t-il adhéré, difficile à dire vu qu’il a tout renié deux ans plus tard : était-ce de la provocation irréfléchie ? Etait-il réellement ce dandy décadent ?

En tout cas, Lautréamont peint ici le mal dans tout ce qu’il y a de plus jouissif. On se délecte réellement des scènes de meurtres, viols, tortures, pédophilies…

Bref, vous l’aurez compris, c’est dangereux.

Si vous êtes quelqu’un d’instable, ne lisez pas ce livre ! Lautréamont y met à mal toute la morale, sans retenue. Il brise tous les tabous, affirme son homosexualité, ses pulsions de mort ou de sexe. Quelques années avant la psychanalyse, cet auteur laisse réellement exploser son inconscient, sans refoulement. Voilà pourquoi le livre fut occulté à sa sortie. Trop trash ! Dois-je en plus ajouter combien l’image de Dieu est bafouée, ridiculisée, réduite parfois à l’état d’animaux ?

Un défaut tout de même sur la forme : vous avez intérêt à vous accrocher, ce n’est pas facile à lire ! Son style est parfois soporifique, il s’en moque d’ailleurs ouvertement. Il est difficile de rentrer dans ce livre, surtout si vous y cherchez des vampires, car ce n’est pas le thème principal. En revanche nous avons ici affaire à de la vraie littérature !

Donc y a pas de vampires ?

Ce n’est pas ce que j’ai dit. Le vampire est un motif récurrent dans les Chants.

Maldoror est un être complexe, le définir comme vampire ce serait réducteur. C’est à la base un être humain. Seulement, un être humain qui ne refoule rien et accomplit avec plaisir meurtres et atteintes à la morale. Il ira jusqu’à combattre et vaincre Dieu, son pire ennemi après l’homme, sa race qu’il méprise. Un archange dit de Maldoror qu’il a sa place parmi les anges. De plus, Maldoror a le poétique pouvoir de métamorphose. Il se transforme en cygne à la fin, mais ce n’est pas la première fois qu’il change d’apparence. Alors, qui est cet être aux lèvres d’argent ? Hé bien Maldoror est peut-être plus qu’un être, un symbole de protestation, un instrument contre la morale et contre Dieu. Et ces motifs sont bien typiques du vampire, n’est-ce pas aussi son but ? Défier Dieu, semer le trouble chez les humains, mêler étroitement Eros et Thanatos ?

Si je ne vous ai pas convaincu…

Voici peut-être un passage qui montre Maldoror en plein viol d’enfant. Il s’y prend d’une manière qui vous sera familière !

On doit laisser pousser ses ongles pendant quinze jours. Oh! comme il est doux d’arracher brutalement de son lit un enfant qui n’a rien encore sur la lèvre supérieure, et, avec les yeux très-ouverts, de faire semblant de passer suavement la main sur son front, en inclinant en arrière ses beaux cheveux! Puis, tout à coup, au moment où il s’y attend le moins, d’enfoncer les ongles longs dans sa poitrine molle, de façon qu’il ne meure pas; car, s’il mourait, on n’aurait pas plus tard l’aspect de ses misères. Ensuite, on boit le sang en léchant les blessures; et, pendant ce temps, qui devrait durer autant que l’éternité dure, l’enfant pleure. Rien n’est si bon que son sang, extrait comme je viens de le dire, et tout chaud encore, si ce ne sont ses larmes, amères comme le sel. Homme, n’as-tu jamais goûté de ton sang, quand par hasard tu t’es coupé le doigt? Comme il est bon, n’est-ce pas; car, il n’a aucun goût. En outre, ne te souviens-tu pas d’avoir un jour, dans tes réflexions lugubres, porté la main, creusée au fond, sur ta figure maladive mouillée par ce qui tombait des yeux; laquelle main ensuite se dirigeait fatalement vers la bouche, qui puisait à longs traits, dans cette coupe, tremblante comme les dents de l’élève qui regarde obliquement celui qui est né pour l’oppresser, les larmes? Comme elles sont bonnes, n’est-ce pas; car, elles ont le goût du vinaigre. On dirait les larmes de celle qui aime le plus; mais, les larmes de l’enfant sont meilleures au palais. Lui, ne trahit pas, ne connaissant pas encore le mal: celle qui aime le plus trahit tôt ou tard… je le devine par analogie, quoique j’ignore ce que c’est que l’amitié, que l’amour (il est probable que je ne les accepterai jamais; du moins, de la part de la race humaine). Donc, puisque ton sang et tes larmes ne te dégoûtent pas, nourris-toi, nourris-toi avec confiance des larmes et du sang de l’adolescent. […] Adolescent, pardonne-moi. Une fois sortis de cette vie passagère, je veux que nous soyons entrelacés pendant l’éternité; ne former qu’un seul être, ma bouche collée à ta bouche. Même, de cette manière, ma punition ne sera pas complète. Alors, tu me déchireras, sans jamais t’arrêter, avec les dents et les ongles à la fois. Je parerai mon corps de guirlandes embaumées, pour cet holocauste expiatoire; et nous souffrirons tous les deux, moi, d’être déchiré, toi, de me déchirer… ma bouche collée à ta bouche.

Il y a donc du vampire en Maldoror. D’ailleurs, puisque Lautrémont est un poète, le vampire apparaît sous plusieurs métaphores assez intéressantes : le vampire est dépeint sous la forme d’un poulpe, d’une araignée…

Note : 7/10

Je vais mettre 7 parce qu’il est assez difficile de noter ce texte. Comment ne pas mettre plus à un texte aussi brillament écrit ? C’est une merveille. Cependant, le vampire n’y est qu’abordé, ce n’est qu’un motif de l’œuvre et non son thème, alors je dois me résoudre à cette note.

A noter, l’œuvre de Lautréamont est disponible en ligne sur Internet.

The Vampire de Kipling (1897)

Rudyard Kipling

Kipling est l’un des plus grands de la littérature anglaise. Pourtant on l’a souvent critiqué, l’accusant de glorifier un colonialisme destructeur.
Sauf que Kipling est quand même l’auteur (entre autres) du splendide livre de la jungle qui prouve simplement qu’il était en phase avec les bêtes mais aussi les hommes. Il est également l’auteur de If, l’un des plus beaux textes sur la condition adulte (j’en connais peu comme ça).

The Vampire quant à lui aurait été écrit après que Kipling ait découvert la superbe peinture de Philip Burne-Jones, The Vampire.

The vampire

vampire_kiplingA FOOL there was and he made his prayer
(Even as you and I!)
To a rag and a bone and a hank of hair
(We called her the woman who did not care),
But the fool he called her his lady fair
(Even as you and I!)
Oh the years we waste and the tears we waste
And the work of our head and hand,
Belong to the woman who did not know
(And now we know that she never could know)
And did not understand.

A fool there was and his goods he spent
(Even as you and I!)
Honor and faith and a sure intent
But a fool must follow his natural bent
(And it wasn’t the least what the lady meant),
(Even as you and I!)

Oh the toil we lost and the spoil we lost
And the excellent things we planned,
Belong to the woman who didn’t know why
(And now we know she never knew why)
And did not understand.
The fool we stripped to his foolish hide
(Even as you and I!)

Which she might have seen when she threw him aside—
(But it isn’t on record the lady tried)
So some of him lived but the most of him died—
(Even as you and I!)
And it isn’t the shame and it isn’t the blame
That stings like a white hot brand.
It’s coming to know that she never knew why
(Seeing at last she could never know why)
And never could understand.

Le Sang des Autres

sang des autresFanzine belge crée en 2000 par Tancrède Szekely. Consacré au vampirisme, à l’érotisme gothique, et au romantisme noir…

Le magazine “Le Sang des Autres” comptera 13 épisodes et traitera dans ses pages de thèmes liés aux immortels enfants des Daces, les vampyrs.

LSdA devint une association et s’associera à diverses manifestations artistiques et organisera divers événements tels que soirées et expositions.

Tancrède Szekely devient le photographe officiel du groupe Anorexia Nervosa, puis avec sa compagne Ijsselina, il réalisa de magnifiques photos libertines et érotiques, mâtinées d’ambiance romantique et dark.

Je vous conseille son site officiel ainsi que celui d’Ijsselina que nous allons bientôt retrouver dans les pages art/photo de ce site.