Un long édito un peu acide, c’est la rentrée, merde !

Vous en avez du bol, bande de petits mécréants peu velus, et vous ne vous en rendez même pas compte.

“Du bol ?” Allez-vous crier, indignés et vexés à mort contre ce quidam dentu qui ose vous menacer dans votre petite intégrité personnelle.

“Mais c’est pas vrai !” Allez-vous me rétorquer “Nous sommes malheureux, c’est la crise mon brave monsieur, et puis ma copine m’a quitté, et puis les chiens de paris ils font caca partout, et puis les footbaleux ils ont perdu la coupe du monde, et puis j’ai plus rien à me mettre pour la soirée de samedi…etc. On a vraiment pas de chance.”

Bande de crétins au cortex sous-développé…Vous avez du bol, et vous ne vous en rendez même pas compte.
Je ne dis pas ça parce que je sors de mon cercueil une fois tous les 3 mois pour prendre la température du dehors. Non, je vous dis ça, humains que vous êtes, parce que vous avez une faculté qui nous manque à nous, vampires.
Oui, vous les humains êtes nos supérieurs grâce à cette configuration mentale particulière dont nous n’osons même pas rêver… Vous êtes amnésiques chroniques.

Hélas, nous n’avons pas cette chance, nous les immortels. Nous sommes condamnés à porter chaque souvenir comme un fardeau supplémentaire.
Notre seule chance pour ne pas nous faire écraser par cette charge c’est d’analyser, de comprendre et d’intégrer ces souvenirs à notre individualité. Et l’intégration, la compréhension intime de chaque expérience est un acte très douloureux. On ne ressort jamais indemne d’une introspection forcenée.
C’est notre malédiction de vampire. Nous sommes obligés de nous souvenir et par là même, de devenir sage.

Pour vous les humains, c’est complètement différent. Oubliant vos capacités mnémoniques d’enfant, vous purgez régulièrement votre mémoire pour la rendre aussi vide qu’un crane de supporter un soir de match de foot.
_ Quelle chance ! Ne jamais se poser de questions ! Voler d’expérience en expérience, sans jamais rien retenir, sans jamais rien en extraire. Une sorte de liberté tellement facilement acquise qu’il est vraiment stupide de faire autre chose que d’en profiter.

Alors vous en profitez, accumulant des expériences nouvelles à très grande vitesse. Vite, une émission de TV lobotomisante, vite, un article stérile, vite, de l’art à consommer sur place, vite, un petit massacre de la semaine au Rwanda, vite, une petite guerre pour se destresser, vite un SDF qu’on massacre joyeusement dans une piaule, vite… Très vite… Et surtout ne nous retournons pas.

Les médias n’aident pas, il est vrai, à vous faire prendre conscience de cette perte de mémoire. Ne parlons pas de la TV. Elle se règle son compte toute seule. La presse, elle, se transforme en presse-zapping grâce à la multiplication des petits journaux gratuits et qui tachent les mains. Des articles-minutes, certes, mais qui le resteront. Ecrits avec les pieds, par des néandertaliens, ces articles n’ont pour prétention que de vous occuper l’œil durant votre trajet de métro. Quel bonheur pour votre œil. Votre cervelle restant en inactivité complète durant ce trajet.

La culture, l’histoire et l’art sont aussi des disciplines en voie de disparition grâce aux efforts conjoints de l’état et de l’éducation nationale. Fini ces lieux de mystères où la simple perspective de voir un squelette de cœlacanthe ou un buste de Mohai nous emplissait l’imagination de monstres sous-marins et de civilisations oubliées. Voilà que les musés deviennent des lieux d’exposition d’art moderne. (Véridique, Le Louvre, le plus connu des musés français, s’y est déjà mis en transformant la galerie océan indien en exposition d’art contemporain. Navrant).

Et ça marche ! De nos jours, on rencontre plus souvent un jeune blanc-bec essayant de nous convaincre que la dernière expo d’art contemporain à la mode est giga-géniale parce qu’il l’a lu dans Télérama qu’un adolescent poète contemplant un coucher de soleil, une larme à l’œil, un recueil de Rimbaud dans la main (ça fait cliché ça, tu crois ?).

La politique et l’économie aussi sont des exemples frappants d’amnésie chronique. Par exemple cette semaine, comment les français font-ils pour oublier que si France Telecom a une dette de 98,2 milliards d’euros, c’est grâce à un gestionnaire génial issu de l’ENA (Michel, si tu nous lis, bravo !) qui se faisait payer 279 116 € (soit 1,8 millions de francs) par ans, sans les avantages financiers ([source->http://emploi.journaldunet.com/php/publication/publication.php?i=1240]) (ce qui ma foi est assez peu pour un PDG de chez le public, il a mal négocié son contrat lui ou quoi ?).

Toujours du côté de nos amis de l’ENA, expliquez-moi pourquoi l’université de Jussieu est en train de se faire reconstruire, qui est le responsable de ce défaut évident (des architectes vous le diront) de construction amianté ? Sûrement un énarque oublié et son pote architecte. Et qui est responsable de la bibliothèque immonde et qui abîme les livres de l’autre côté de la seine (rigolo ça, les dalles sont tellement glissantes qu’ils ont été obligés de construire des ponts) ? Un autre énarque oublié et son pote architecte (le même ?).
Et qui est responsable du trou de la Sécu ? Sûrement des énarques oubliés. Et qui va faire le crétin en pleine crise diplomatique à Bagdad ? Des énarques déjà oubliés. Et qui fait des affaires avec la République Popumerde de Chine (les nazis modernes, encore un truc qu’on a oublié) ? Des tas d’énarques oubliés.
Vous croyez pas qu’il faudrait dédier une statue à la gloire de l’énarque oublié? A lui tout seul, il est capable de mettre en faillite n’importe quel pays. Bravo, énarque Si tu as trop de fric, penses à moi.

Une des plus belles pertes de mémoire de l’humanité actuelle, c’est tout de même la situation écologique mondiale. Cela fait 30 ans qu’on nous bassine les oreilles avec le trou de la couche d’ozone, la fonte des glaces aux pôles, la déforestation abusive, l’extinction “accidentelle” d’espèces animales et végétales, les cancers liés à la pollution urbaine (qui n’est pas interdite, contrairement aux clopes… Imaginez une voiture avec écrit en gros sur la vitre arrière : “Je suis dangereux pour la santé“.), et bien d’autres choses encore…

C’est là que je vous envie, humains… Vous arrivez toujours à vivre dans ce monde la tête haute et heureux. Bande de veinard. Votre génération zapping est condamnée à avoir une cervelle zapping et ça vous plait… Expliquez-moi comment vous faites, j’en ai besoin là.

Veinards va.