D’abord, c’est pas un pavé
Oui enfin, on est plus en CP, on sait lire autre chose que les Tom-Tom et Nana ou autres Titeuf. Mais bon, au moins ceci excusera les quelques légèretés, voire incohérences, du scénario. Carmilla, ce sont 100 pages, divisées en 16 chapitres. Donc, ça fait environ 6 pages le chapitre. C’est court, et en plus, c’est agréable à lire.
Mais voilà, on peut déjà remarquer cela
L’histoire, je l’ai résumée, et ça fait un peu caricature. Et c’est pourtant pas loin de la vérité. Si Le Fanu avait pris le temps d’y ajouter 100 pages, on aurait pas senti le truc gros comme une cathédrale gothique qu’est la révélation finale sur l’identité de Carmilla.
Bon ok, en lisant Carmilla, je savais que j’allais lire un livre de vampire. Mais au XIXème siècle, Dracula n’était pas encore écrit. Le vampire était connu, mais Sheridan traitait plus les histoires de fantômes dans les châteaux en ruine que les histoires de vampires dans des… euh, tiens, un château en ruine !
Bon, bref, passons sur les clichés de la littérature gothique, à l’époque il ne s’agissait peut-être pas encore de clichés. Mais là, dès l’arrivée de Carmilla, on sait déjà qui elle est ! Ca se sent tellement ! Alors, c’est sans doute fait exprès ? Sans doute oui. Suggérer au lecteur que Carmilla est plus que ce que croient Laura et son père. Mais il n’empêche que pas un instant, en cent pages, pas un instant l’un d’eux fait le lien entre Carmilla et la jeune fille qu’a hébergé leur seul voisin. Et pourtant, il n’y a pas l’air d’avoir beaucoup d’agitation dans le coin. A vrai dire, des meurtres, il doit pas y en avoir tous les jours pas chez eux.
Je résume donc le problème ainsi :
1. Les gentils sont cons
2. Pas nous
3. Je suis sensible à la flatterie, mais là, j’ai l’impression d’être si intelligent que j’aurais pu faire Van Helsing.
Donc, je n’aime pas trop que l’auteur me prenne pour un con.
Qu’il est méchant ! Mais il a quoi contre ce livre ?
Moi ? Ben rien justement ! Maintenant que j’ai dit ce qu’il y avait de déplaisant à dire, passons à l’éloge, et là, j’ai autant, voire plus, de choses à dire. Ce livre est une merveille. Le roman se présente sous la forme de confidences rédigées par Laura des années après. Du coup, Laura malgré toute sa connerie paraît fort attachante. Sublime mélange de niaiserie et de pureté, elle est la cible parfaite pour le vampire Carmilla. Et Carmilla ? Pareille, sublime demoiselle ! La grâce d’un félin (elle se change en chat noir), le mystère d’une Marilyn Monroe en fin de carrière (pourquoi j’ai choisi cet exemple ? je vois pas le rapport) et les talents de libertine tentatrice font de cette merveilleuse adolescente un archétype de femme fatale, de vamp, de femme vampire belle et fragile en opposition à la robustesse d’un Lord Ruthven ou d’un Dracula. Car Carmilla fait fragile, limite malade. Carmilla, c’est la gamine de 15-17 ans avec l’air pâle et les yeux mornes, habillée de noir et ne bouffant rien pour ressembler à Avril Lavigne. Enfin, c’est ça mais au XIXème siècle. Et donc, elle n’en est que plus touchante.
En parlant de toucher, il faut aussi saluer les scènes osées, érotiques, délicieusement suggérées par Le Fanu. Les allusions lesbiennes, l’attirance de Laura pour Carmilla, les regards et les gestes tendres de Carmilla pour sa proie… C’est plus qu’implicite, là, alors quand je vois la retenue de [Stoker->48], qui pourtant écrit 25 ans plus tard, je me dis que Le Fanu était tout de même plus subversif. Carmilla, c’est l’histoire d’amour impossible, la vie et la mort, la femme et la femme… Et Carmilla, c’est le sexe aussi (dixit Frankie Vincent), le libertinage contre la morale puritaine, le blasphème contre un dieu en perte d’influence… Bref, dans Carmilla, il y a les ingrédients du vampire.
Carmilla est LE vampire féminin
Il reste une référence en la matière. Il est seulement dommage de constater que la plupart des adaptations cinématographiques du livre étaient prétextes à quelques scènes de baisers lesbiens, entre quelques pin-ups aux gros seins. Le potentiel de l’œuvre a-t-il donc été occulté ? Peu importe, Carmilla Karnstein restera dans nos esprits aux côtés de Dracula ou de Lestat, comme un vampire puissant et charismatique, dégageant une réelle aura envoûtante.
Note : 9/10
Comme je le dis, il vaut pour moi autant que Dracula. Les quelques défauts du scénarios sont pardonnés par la présence de Carmilla, un personnage génial, mythique. Quelques scènes qui resteront dans votre mémoire, comme l’arrivée de Carmilla ou la fin dans le château en ruine des Karnstein. On sait l’impact que ce livre a eu sur Bram Stocker.
Note : Pour ceux qui ont des problèmes de budget, Carmilla est entièrement téléchargeable sur internet. Ceci dit, il est en vente au prix de 2/3 € dans le commerce, comptez donc pas sur moi pour vous donner le lien.
Il y a bien dévoration nocturne, mais n’est-ce pas un peu exagéré d’y voir une pré-figuration de vampire ? D’après ce que je lis il s’agit essentiellement d’une dévoration par une “bête sauvage”, dc personnellement je verrais éventuellement plus une parenté avec les loups-garous… Qu’en pensez-vous ?
Merci pour ces précisions. Je m’en vais de ce pas absorber cette référence prometteuse.